Réparation pénale

3F et la protection judiciaire de la jeunesse ont signé en 2016 une convention de partenariat visant à l’insertion sociale des jeunes en difficulté. S’inscrivant dans la droite ligne de l’action sociale de 3F, ce dispositif s’étend avec succès à différents départements franciliens.

Martine Delfau(©3F/Joseph Wilson)

« On vous attend ! » nous indique une femme aux collants colorés et à la poigne énergique, bien loin des clichés d’une justice morne et inaccessible : ça y est, Martine Delfau va pouvoir intervenir lors de la réunion des responsables d’unité de la direction départementale de la protection judiciaire de la jeunesse de Melun.  
 
À 12h10 ce vendredi, l’assistance s’agite : on sent que la réunion a commencé tôt. Ça tombe bien, l’intervention prévue est rapide.
 
La plupart des personnes réunies dans la pièce savent déjà de quoi il est question, puisqu’une réunion de présentation a eu lieu en juillet. L’objectif est le suivant : détailler le volet « mesures de réparation pénale » de la convention de partenariat conclue entre 3F et la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), dont Martine Delfau, chargée de mission au département de gestion sociale et urbaine, est la référente au sein de 3F.
 
Dans le cadre de la démarche globale menée par la PJJ en matière de santé, d’insertion professionnelle et d’accès au logement des jeunes de 15 à 18 ans, la PJJ et 3F ont signé en 2016 une convention de partenariat visant à l’insertion sociale des jeunes en difficulté. Ce partenariat repose sur quatre volets : l’animation de stages de citoyenneté, le pilotage de chantiers éducatifs, l’expérimentation de colocations et l’exécution des mesures de réparation pénale.
 

  • Les mesures de réparation pénale : la constructivité, d’abord 

Les mesures de réparation pénale sont des mesures éducatives prononcées à l’égard d’un mineur ou d’une mineure à l’origine d’une infraction pénale. Le ou la jeune doit alors s’engager dans une démarche de réparation : la réalisation d’une activité d’aide ou de réparation au bénéfice de la victime ou dans l’intérêt général, sur une durée maximale de 6 mois.
 
La mesure de réparation pénale répond à plusieurs objectifs : favoriser le processus de responsabilisation de la mineure ou du mineur, prendre en compte la victime et réparer le préjudice commis, restaurer des liens positifs avec la collectivité ou encore favoriser la réinsertion sociale pour éviter la récidive. 
 
Le partenariat entre la PJJ et 3F concerne spécifiquement la dégradation de l’espace ou du mobilier urbain. Cela, que les préjudices concernent un logement 3F ou non.
L’idée est de permettre aux jeunes d’effectuer ces mesures auprès des équipes de 3F, sur proposition des éducateurs et éducatrices de la PJJ.
 « Il ne s’agit pas de nier l’existence du préjudice, mais nous ne sommes pas là pour demander qui a fait quoi, précise Martine Delfau. Nous voulons offrir une véritable deuxième chance aux jeunes en difficulté, leur ouvrir de nouvelles perspectives. » 
 

  • Renforcer l’accompagnement des jeunes en difficulté, un objectif en cohérence avec la mission sociale de 3F

L’initiative date de 2016, lorsque 3F a souhaité renforcer son engagement dédié à l’accompagnement des jeunes en difficulté. 3F envisage en effet sa mission sociale comme une mission de proximité augmentée, qui implique d’encourager l’attention envers les personnes les plus fragiles, et d’apporter des réponses constructives aux difficultés que peuvent rencontrer ses différents publics.
 
Participer aux mesures de réparation pénale en s’inscrivant dans le dispositif de lutte contre la récidive s’inscrit ainsi en cohérence avec ses objectifs.
 
Une première convention a été conclue début 2017 entre 3F et la PJJ du département de l’Essonne. Puis une nouvelle convention a été signée le 31 janvier 2018, afin d’élargir la collaboration de 3F avec d’autres départements franciliens volontaires.
 

  • 3 jours d’immersion avec un gardien ou une gardienne 3F

L’objet de la réunion du jour est de lancer sereinement la phase opérationnelle du projet dans le département des Yvelines.
Concrètement, le projet consiste pour les gardiens ou gardiennes d’immeubles 3F volontaires à accueillir un ou une jeune pour une durée de trois jours consécutifs.
 
Martine Delfau rappelle le déroulé de la première journée : accueil par le gardien ou la gardienne, rappel des attendus, notamment en termes de comportement, distribution de l’emploi du temps et de la tenue de travail.
 
« Comment faire si le jeune n’a pas assez d’argent pour s’acheter son déjeuner ? » demande un chef d’unité. «Y a-t-il un micro-ondes dans la loge du gardien ? »
 
« Et comment on règle la question de la confidentialité ? demande un autre. Les loges d’immeuble sont quand même un lieu notoire de circulation de l’information ! »
 
Des détails pratiques aux considérations plus éthiques, les questions sont bienveillantes : tout le monde tient à la réussite du projet. De fait, le gardien ou la gardienne est la seule personne à avoir connaissance de l’existence de la mesure de réparation pénale. Aux yeux des locataires, le ou la jeune est en stage, en immersion.
 
L’immersion est, elle, bien réelle. Il est attendu de la nouvelle recrue qu’elle accompagne son tuteur ou sa tutrice dans l’ensemble de ses tâches : travaux ménagers le matin et travail plus administratif l’après-midi, au contact des locataires 3F.
 
Les chefs et cheffes d’unité se voient ensuite distribuer une fiche d’évaluation. À l’issue des trois jours, les tuteurs et tutrices doivent en effet décrire les activités exercées par les stagiaires et décrire leurs points forts et points d’amélioration, en présence de l’éducatrice ou de l’éducateur de la PJJ. Mais ce n’est pas tout, leur avis sur le déroulé de ces trois jours et celui du ou de la jeune compte lui aussi. 

  • Des premières expérimentations très prometteuses 

Martine Delfau précise que, dans d’autres villes, à l’occasion de cette évaluation, de nombreuses et nombreux jeunes ont manifesté leur surprise devant la diversité et l’exigence des prérogatives de leur tuteur ou tutrice, ou ont fait part de leur admiration devant leur implication et leur disponibilité.
 
Il est même arrivé que des stagiaires prennent l’initiative d’une nouvelle rencontre quelque temps après leurs trois jours d’immersion.
 
Le pari semble donc réussi.
 
Avant la fin de la réunion, Martine Delfau fait le point sur les villes concernées par le dispositif. Elle précise qu’il s’agit de propositions adaptables, en fonction des besoins de la PJJ. L’assemblée, manifestement séduite, souligne l’esprit d’ouverture du bailleur social.
 
Ce partenariat évolutif entre 3F et la PJJ semble pour le moment relever avec succès le défi de rendre possible une véritable réinsertion sociale des jeunes en difficulté. Et cela, avec l’enthousiasme et le pragmatisme qui précèdent aux dispositifs efficaces qui s’inscrivent dans la durée. 

 

Ce reportage est le premier article d’une série qui explore le dispositif, mis en place par 3F, d’accompagnement par un gardien ou une gardienne de jeunes ayant fait l’objet d’une condamnation.