Publié le 19/09/2025
Logement étudiant : les bailleurs sociaux face aux défis d'une demande croissante
Face à l'explosion du nombre d'étudiants en France - passé de 2,7 millions en 2019 à 3 millions en 2024 - et à la tension croissante sur le marché immobilier, la question du logement étudiant est devenue un enjeu majeur de politique publique. « Le nombre de logements étudiants manquants est évalué à 250 000 selon un récent rapport du Sénat », indique d’emblée Marija Hurbault, directrice du développement de 3F Résidences, entreprise du groupe 3F spécialisée dans le logement des publics spécifiques. Cette pénurie se ressent particulièrement en région parisienne, où l'on dénombre entre 3 et 4 logements pour 100 étudiants en matière d'offre sociale.
Des étudiants en situation de vulnérabilité croissante
Les causes de cette crise sont multiples, à commencer par la forte hausse du nombre d’étudiants depuis 2019 combinée la crise de l’immobilier qui touche la France. Par ailleurs, pour conserver une proximité avec les centres-villes et les campus, les résidences étudiantes sont généralement implantées dans des zones coûteuses où le prix du foncier atteint des sommets. « Une autre raison, à mon sens, est le manque de dispositifs pour aider les opérateurs dans la création d’une offre sociale abordable », complète Marija Hurbault.
Conséquences : les inégalités dans l'accès à l'enseignement supérieur ne cessent d’augmenter. Comme le souligne Xavier Timbeau, directeur de l'Observatoire français des conjonctures économiques, « le logement est un poste de dépense si important qu'il conditionne le choix des études ». Le logement représente environ 60 % du budget des étudiants en Île-de-France et 40 % en régions. Résultat, 12 % des jeunes Français renonceraient aux études supérieures faute d'hébergement[1].
Dans ce contexte, la forte inflation de ces dernières années a conduit à une augmentation de la précarité étudiante. « C'est une population fragile et vulnérable, car beaucoup n'ont pas ou peu de moyens. Ils n'ont pas de parents pour les soutenir, d’autres ne remplissent pas les conditions pour prétendre à une bourse ou à une aide financière », souligne Marija Hurbault. Contraints de travailler pour financer leurs études, ces étudiants consacrent moins de temps aux études, allongeant leur cursus et aggravant leur situation financière. Un véritable cercle vicieux.
Cette réalité, confirmée par la hausse de 23 % des demandes étudiantes de logements HLM entre 2022 et 2024 (+ 19 000 demandes), illustre l'urgence d'une action coordonnée entre l'État, les collectivités, les établissements d'enseignement supérieur et les acteurs du logement, y compris les bailleurs sociaux.
[1] Rapport du Sénat sur les conditions de la vie étudiante et l’accompagnement des étudiants (2021)
[2] Rapport du Sénat sur les conditions de la vie étudiante et l’accompagnement des étudiants (2021)
Relever le défi immobilier
La création de logements pour les étudiants est une priorité stratégique pour 3F Résidences. L’entreprise sociale pour l’habitat (ESH) du groupe intervient sur l’ensemble du territoire métropolitain pour construire et/ou acquérir des résidences étudiantes dont elle confie la gestion à ses partenaires : ARPEJ, ALJT, MGEL, HSE, PARME, le CROUS... Ce modèle permet de déléguer l'accompagnement des étudiants à des professionnels expérimentés.
« Depuis plus de dix ans, 3F Résidences développe un savoir-faire reconnu dans la reconversion du patrimoine existant. La transformation du foncier obsolète est en effet une des pistes les plus prometteuses pour répondre rapidement à la pénurie de logements étudiants », explique Marija Hurbault. Cette approche présente également de multiples avantages : un bilan carbone favorable, une meilleure acceptabilité par le voisinage et la valorisation du déjà là.
Cette stratégie de requalification de l’existant porte ses fruits. Des projets emblématiques illustrent cette démarche, comme la résidence de Villeneuve-d'Ascq (59) de 189 logements, celle de Cergy (95) de 48 logements ou encore celle de Biot (06) de 57 logements, toutes trois issues de la transformation de bureaux obsolètes.
Une offre globale en structuration
Les neuf autres sociétés du groupe 3F se sont quant à elles concentrées sur le logement des jeunes. « Les 18-30 ans ont des besoins particuliers et rencontrent de plus en plus de difficulté à se loger. En tant que bailleur, notre mission est de tout mettre en œuvre pour les aider à accéder à un logement digne et abordable, souligne Estelle Morville, responsable du Pôle Attribution et Commercialisation chez Immobilière 3F. L’ESH francilienne a notamment mis en place des baux associatifs avec des structures spécialisées dans l’accompagnement des jeunes et a noué un partenariat avec l’Union Régionale des Comités Locaux d'accompagnement du Logement pour les Jeunes (CLLAJ).
En 2024, les moins de 30 ans représentaient 26 % des attributions au sein du groupe. « Parmi eux, se trouvent des alternants, des apprentis et on l’espère de plus en plus d’étudiants ». Car, ces dernières années, plusieurs mesures ont été prises pour ouvrir et faciliter l’accès des étudiants à l’offre de logement social. La loi Mobilisation pour le Logement et la Lutte contre l'Exclusion de 2009 autorise les organismes HLM à réserver des logements pour les étudiants et les apprentis. La loi Alur de 2014 ou encore l’article 109 de la loi Elan ont également incité les bailleurs sociaux à s’engager dans le développement de l’offre de logements étudiants sociaux.
Ainsi, selon l'Union sociale pour l'habitat, 90 % des logements étudiants conventionnés ont été produits par des bailleurs sociaux depuis 2018, soit plus de 30 000 logements. Par exemple, à Asnières-sur-Seine (92), Immobilière 3F livrera en 2028 sa première résidence avec des logements réservés aux jeunes et des baux d’un an, dès lors que la personne continue de remplir les conditions d’accès. Des dispositifs de colocation devraient également être déployés prochainement, toujours en partenariat avec des associations dont Cohabilis, qui est spécialisée dans les solutions d’habitat partagé intergénérationnel.
Cette approche vise à créer des parcours résidentiels adaptés aux profils des jeunes, étudiants et jeunes actifs. Globale, elle n’intègre pas seulement l’hébergement mais aussi différents dispositifs d’accompagnement pour obtenir des aides (APL, régionale etc.), lutter contre l’isolement social ou encore prendre de soin de leur santé mentale.
Des leviers d'action pour l'avenir
La mobilisation du foncier public constitue un levier d’action efficace pour répondre à la crise : l'État lui-même, grand propriétaire foncier, pourrait simplifier et accélérer les processus de mise à disposition de terrains. L'introduction de dispositifs incitatifs pour mobiliser les fonciers privés sous-utilisés représente également une piste d'amélioration.
Sur le plan réglementaire, il serait pertinent de relancer l’expérimentation menée en Île-de-France, permettant de financer des logements étudiants par un prêt PLAI, ouvrant droit aux aides à la pierre et à la TVA réduite à 5,5 % L'assouplissement des règles d'admission des étudiants dans les foyers de jeunes travailleurs et les résidences seniors pourrait aussi contribuer à élargir l'offre disponible.