Publié le 03/09/2025
Charlotte Belval revient sur les enjeux du concours 3F "Conforts 2050"
Comment réhabiliter et transformer l’habitat pour augmenter le confort et les usages, tout en l’adaptant aux conditions climatiques de 2050 ? C’est la question centrale du concours « Conforts 2050 : réadapter l’habitat aux climats », coorganisé par 3F et l’École nationale supérieure d’architecture de Versailles. Ce concours d’idées invite les jeunes agences d'architecture, accompagnées d’une équipe pluridisciplinaire, à repenser le confort à l’aune du changement climatique.
Architecte associée de l'agence Belval & Parquet qu'elle a co-fondée en 2017, Charlotte Belval incarne une nouvelle génération d'architectes engagés. Son travail, axé sur le logement social et qui interroge la transformation, la matière et les communs, a été récompensé par le prix AJAP 2023. Membre du conseil scientifique de 3F, elle contribue aux réflexions sur la question du logement. Dans le cadre du concours « Conforts 2050 », elle endosse la double casquette de membre du jury et de témoin privilégié des défis auxquels sont confrontées les jeunes agences d'architecture.

Vous êtes membre du jury du concours d’idées « Conforts 2050 ». Quels en sont les enjeux centraux ?
Charlotte Belval : L’un des enjeux du concours est de mettre en lumière la diversité du patrimoine de 3F, qui représente particulièrement bien celui du patrimoine architectural français d’après-guerre. Ce dernier devient le principal champ d’exploration des architectes pour transformer plutôt que démolir. Apparaissent alors deux questions liées : comment augmenter les usages en tirant parti des qualités de l’existant et comment adapter ce patrimoine au réchauffement climatique, en mobilisant un minimum de moyens ?
Chaque site du concours concentre ensuite des complexités et des singularités différentes : les quartiers pavillonnaires à Gardanne (13), la barre archétypale des années 1960 au Houlme (76), le patrimoine remarquable des Étoiles de Givors (69), ou encore la transformation d'usage de bureaux en logements à Pantin (93).
Alors que l’architecture est traversée par des débats profonds sur l’acte de construire et la manière de le faire, ce concours est l’occasion d’élaborer des récits prospectifs, ambitieux et alternatifs, illustrant la capacité des architectes à synthétiser la complexité des enjeux de résilience et d’adaptation à travers le projet.
Comment abordez-vous concrètement ces questions dans vos projets ?
C.B. : La transformation du bâti existant présente, à mon sens, trois atouts majeurs : la réduction de l’empreinte carbone grâce au réemploi, la montée en compétences en matière de techniques constructives, et la créativité. Nous réalisons ainsi des projets que nous n’aurions jamais imaginés en construction neuve.
Par exemple, nous menons actuellement pour 3F un projet de transformation de l’ancien Institut de Formation en Soins Infirmiers de Corbeil-Essonnes en 150 logements. Nous proposons un nouvel usage pour cette barre en mobilisant plusieurs stratégies : son épaississement pour accueillir des espaces extérieurs et des cuisines "en premier jour", tout en préservant les qualités préexistantes d’espaces traversants, favorables au confort d’été.
Le réemploi de panneaux de façade provenant d’un autre chantier de réhabilitation thermique de 3F est également un exemple fort de la mobilisation collective, entre l'équipe de maîtrise d’œuvre et la maîtrise d’ouvrage, pour trouver des circuits vertueux et minimiser notre impact carbone.
Enfin, le travail du sol permet de mettre en place un grand parc ouvert qui accompagne la géographie préexistante et crée les conditions d’une adaptation au réchauffement climatique.
Confort et adaptation du bâti au changement climatique sont-ils compatibles ?
C.B. : Les deux sont intimement liés, mais il faut d’abord s’accorder sur la notion de confort. Les climats sont divers, car liés à une géographie, et l’idée qu’il existerait une seule solution d’adaptation tend à standardiser les réhabilitations. Le confort relève du quotidien mais aussi des usages, de la flexibilité, de la relation au sol, à l’air, à la lumière. Il y a donc lieu de créer des approches multiscalaires pour proposer des projets situés.
L’adaptation, quant à elle, engage une réflexion sur le temps long et sur l'incertitude liée aux modifications du climat en cours. Confort et adaptation sont donc complémentaires et interconnectés.
Comment envisagez-vous le travail pluridisciplinaire dans le cadre de ces projets ?
C.B. : L’approche pluridisciplinaire est une formidable opportunité pour faire face à la complexité des questions que soulève l'adaptation de nos modèles aux nouvelles conditions climatiques. Elle permet à la fois d’analyser la question climatique par un prisme technique ou thermique, et d’enrichir nos démarches grâce aux points de vue d’artistes, de géographes ou de philosophes, qui nous donnent la possibilité d’imaginer d’autres manières de faire. À nous ensuite, architectes, de synthétiser ces différentes approches par le projet.
L’intelligence collective s’exprime également dans nos aspirations à collaborer de manière plus transversale entre maîtres d’ouvrage, habitants et concepteurs.
Là encore, ce concours est l’occasion pour les architectes de proposer des collaborations singulières.
Pourquoi est-ce important que 3F soutienne les jeunes architectes ?
C.B. : Son histoire, la diversité de son patrimoine et sa maîtrise d’ouvrage directe font de 3F un acteur majeur pour imaginer de nouvelles manières d’agir. Son rôle de soutien aux jeunes architectes est donc indispensable pour valoriser de nouvelles pratiques et continuer à innover.
Ce concours en est le parfait exemple : il permet de faire émerger des approches singulières sur les sujets de transformation et d’adaptation du patrimoine de 3F, mais aussi de valoriser les lauréats en les intégrant à la liste de référencement des architectes de 3F. Le concours peut donc être un vrai tremplin pour une jeune agence, et un accélérateur pour les pratiques et les idées qui émergeront des différents projets.
Un dernier conseil pour les participants ?
C.B. : Ne rien lâcher ! Faites de ce concours une priorité de la rentrée 2025. C'est une opportunité exceptionnelle de vous poser les vraies questions : qu'est-ce que j'ai envie de raconter ? Qu'est-ce qui compte pour mon agence ?